• un article d' e-sante.fr

    À horaires décalés, alimentation désorganisée

    Le travail posté désigne le travail en horaires décalés, dont fait partie le travail de nuit. Sur un même poste de travail, plusieurs équipes se relaient en rotations successives. Les conséquences pour la santé et le comportement social peuvent être importantes et souvent prévenues. Le point sur l'alimentation du travailleur « posté ».

    20 % de la population concernée

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    Une proportion qui devrait augmenter au cours des années à venir.

    Oui, les travailleurs postés présentent des troubles digestifs, lesquels sont surtout liés à la consommation de tabac, au stress et à la qualité du sommeil. En conséquence directe, ils présentent davantage de risques cardiovasculaires.

    Oui, les travailleurs postés souffrent fréquemment de troubles du sommeil. Le travail en horaires décalés perturbe l'horloge interne : on se repose lorsque la vigilance est maximale et on travaille lorsqu'elle est minimale. Le sommeil devient plus court et de moins bonne qualité. Le manque de repos est alors source de fatigue chronique, d'irritabilité, de stress et de dépression.
    Reste à souligner les conséquences familiales et sociales : temps passé en famille moins important, activités culturelles, sociales et sportives plus difficiles.

    Et enfin, les répercussions sur l'alimentation sont sévères.
     

    Constat alimentaire

    La prise de poids est plus élevée en cas de travail posté ou de nuit. Toutefois, la prise énergétique n'est pas plus importante.
    Chez les travailleurs postés, toute l'alimentation est désorganisée : choix des aliments, horaires des repas, conditions des prises des repas, etc.
    Globalement, il n'y a plus que deux repas principaux : pas de petit-déjeuner en cas de travail de nuit, et pas de dîner en cas de travail l'après-midi. Ils sont complétés par du grignotage ou des collations. Mais malgré ces prises alimentaires entre les repas, l'apport énergétique total n'est pas supérieur à celui des personnes qui travaillent en horaire régulier de jour. La prise de poids ne peut pas non plus s'expliquer par la nature des aliments car les choix sont les mêmes et comportent les mêmes erreurs : trop de graisses et de sucre, pas assez de légumes, de fruits et de féculents.
    L'explication serait donc liée au déplacement des horaires des repas. En effet, toutes les variations biologiques, physiologiques et hormonales suivent un rythme de 24 heures selon un cycle jour/nuit. On sait par exemple que la digestion n'a pas le même rendement après un déjeuner ou un repas de nuit. Par exemple, la nuit, que l'on dorme ou que l'on veille, la digestion et notamment la vitesse de vidange gastrique sont ralenties. L'augmentation de la dépense d'énergie qui suit ce repas est donc plus faible, la tolérance glucidique est diminuée, et les triglycérides augmentent.


    Conseils pratiques

    · Essayer de se rapprocher au maximum du rythme des trois repas familiaux réguliers, afin de préserver les relations familiales, de conserver une alimentation diversifiée et de respecter un cycle jour/nuit sur lequel l'organisme est normalement calé.
    · Pas de repas copieux avant d'aller dormir.
    · Prévoir un repas avant le service de nuit.
    · Le temps pour prendre un repas, même sur le lieu de travail, doit être de 30 minutes minimum. Manger trop rapidement favorise les troubles digestifs.
    · Éviter le grignotage entre les repas et les boissons sucrées.
    · En cas de fringale, bien choisir les aliments : des fruits au lieu d'une barre chocolatée par exemple.
    · La collation de nuit peut être maintenue car elle favorise l'éveil. Elle doit cependant comprendre des protéines et des glucides, et peu de graisses.
    · Pas d'alcool bien entendu, mais il faut veiller à une hydratation suffisante (eau, tisane, bouillon…), tout en évitant les boissons sucrées.
    · Attention avec le café : s'il stimule, à haute dose, il peut entraîner des troubles de la digestion, du rythme cardiaque et du sommeil

     

    09/01/2006
    Isabelle Eustache

    Centre de recherche et d’informations nutritionnelles CERIN, 2005.


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    Mais comment en arrive-t-on à travailler la nuit? Pourquoi choisi-t-on de vivre contre-nature, de "vivre à l'envers"? Tellement de questions arrivent dès lors que l'on annonce travailler de nuit. Il y a ceux qui pensent que les travailleurs de nuit le choisissent  pour "être au calme" (ce qui peux s'avérer vrai parfois, mais très au delà de la réalité des responsabilités ainsi acquises...), et ceux qui se demandent comment on peut tenir le rythme, et la pression (voilà une vraie question...).

    Pour ma part, en sortant de mes études d'infirmières, je n'avais effectué que 7 nuits réparties sur 3ans et 3 mois de formation. Autant dire très peu, en tout cas pas assez pour se rendre compte de ce qu'implique le fait de travailler à long terme de nuit. Et j'avoue que je faisais partie de ces gens qui pensent que les nuits sont "trop calmes"... Et puis il y a eu l'entrée dans la vie active, et le début de mes responsabilités d'infirmière. Dans certains établissments, il y a des personnels affectés uniquement à des postes de nuit, dans d'autres les nuits font partie du roulement de travail, comme les "matins" ou les "soirs"...

    Dans l'établissement où j'ai été embauchée il y a de cela un peu plus de 4 ans, la "politique de la maison" est que l'on n'obtient de CDI (ce fameux Contrat à Durée Indéterminée tant convoité par tout jeune diplômé...) qu'en acceptant de passer de nuit quelques temps. Voilà le moyen trouvé pour inciter le personnel à travailler de nuit, puisque les candidats ne s'y bousculent  pas de trop pour ce genre de postes (et que l'établissement fonctionne sur le principe de personnel affecté de jour OU de nuit, en tout cas pour le moment). Je me suis donc retrouvée à travailler de nuit, en équipe avec une auxiliaire de puériculture (pour ce qui est de la pédiatrie) ou une aide soignante (pour les autres types de services). Ah le travail en équipe et la solidarité, je les ai découverts dans leur grandeur avec le travail de nuit!

    Et voilà le bilan que je tire au bout de 4 ans de travail de nuit à temps plein. Il arrive que les nuits soient calmes, très calmes même, et où le temps parait long. Et puis il y a ces nuits où rien ne va, où les sonnettes n'arrêtent pas, où les angoisses se réveillent, et où malheureusement il y a des "soucis"... Apprende à gérer sa fatigue, son stress et ses émotions, pour pouvoir réagir de manière adéquate et professionnelle, voilà tout l'art de travailler la nuit dans un milieu hospitalier. A quel moment appeler le médecin de garde, prévenir le cadre de cadre, que faire en attendant leur arrivée, comment gérer l'urgence quand on est seul (ou presque) face au patient qui n'est pas bien, comment guider un médecin qui ne connait ni le service ni les patients... Imaginez bien l'angoisse, encore plus quand on débute dans le métier (ou le service) et qu'on a peu de recul pour analyser et relativiser les situations...

    Analyser et relativiser, "souffler un bon coup" et faire ce que l'on peut, avec les moyens qui nous ont été donnés. Voilà ce que l'on apprend de nuit. L'organisation est aussi un maître mot, il faut toujours anticiper pour ne pas être débordé en cas de "problème"... Mais voilà... tout ça on ne l'apprend qu'avec l'expérience, "sur le tas", et parfois au dépend des patients , du service, ou de sa propre santé...

    Oui bien sur, il y a des avantages à travailler la nuit : on est autonome, et très peu dérangés dans notre organisation de travail, et il y a des primes (ceci dit, on ne les trouve toujours pas assez importantes ces primes...).  L'intérêt majeur, à mon goût, reste sans aucun doute le fait que comme le roulement de travail est fixe, lorsque l'on pose par exemple 2 nuits de congé, cela vous donne une semaine de repos à la maison, puisque 'il y avait normalement 2 repos de prévus avant et après vos nuits... Pratique... Mais travailler la nuit, ça n'est pas seulement accepter les responsabilités ou les avantages que cela implique.

    Quelles répercussions cela a t-il sur nous même? Pour moi, il a fallu accepter de travailler un week end sur deux en permanence, avec très peu de possibilités d'échanges entre collègues (puisque le personnel est réduit...) ; désormais il faut s'organiser pour profiter au maximum de ces week end disponibles... Et il a fallu apprendre à mon entourage à ne pas téléphoner ou passer rendre visite le matin et en début de journée... Sans parler du facteur qui ne livre les colis que le matin, ou le livreur de fuel qui commence forcément sa journée avec vous...

    Dormir le jour, ça s'apprend, et ça n'est pas évident. Le sommeil est plus léger, le moindre bruit vous réveille, et lorsque vous avez pu dormir 5 heures, votre corps ne veut plus se rendormir si vous avez eu la malchance de vous réveiller... Et lorque les jours de repos arrivent, le sommeil ne vient plus, vous veillez tard le soir en attendant que Morphée veuille bien vous rendre visite... Ou alors vous dormez trop... oui, oui, cela arrive ! Mais là vous ne profitez plus des journées, plus moyen de distinguer la lumière du jour, on ne voit plus les gens que l'on croiserait d'ordinaire. Et l'isolement vous guette, reste à trouver le moyen , et surtout l'organisation de vie, qui vous permettra de ne pas trop en souffrir !

    Je ne referai pas de topo sur les troubles de la santé (physique et psychologique) que le travail de nuit implique, les articles de presse et dossiers que j'ai ajouté à cette catégorie en parlent assez, bien qu'il faudrait faire plus d'études à mon goût... Mais j'insiterai sur le fait que la "pression" des responsabilités du métier d'infirmière est largement amplifiée la nuit,  il faut être capable de bien gérer ce stress pour bien travailler, et que la solidarité entre les équipes de jour et de nuit sont d'une importance primordiale.

    Bref, comment en arrive-t-on à choisir de travailler la nuit ? Parce que pour moi il s'agit d'un choix au final, même si je l'ai avant tout choisi pour obtenir ce sacro-saint CDI. Et oui, j'ai demandé à rester de nuit, parce que cette manière de travailler me convient, et parce que j'ai trouvé un équilibre entre ma vie privée et ma vie professionnelle qui me permet de ne pas pâtir des inconvénients de cette vie (ou de ne pas en faire pâtir les autres!). Mais ça n'est pas le cas de tout le monde, comme tout le monde n'est pas capable d'assumer de travailler la nuit, mais là, chacun reste juge de sa propre vie et de son choix de vie !

    Au bout de 4 ans passés de nuit, je commençais tout de même à me demander s'il ne fallait pas repasser de jour. Le "destin" a décidé pour moi puisque la mutation professionnelle de mon conjoint me "force" à changer et d'établissement et de rythme (sans aucun doute). L'occasion pour moi de me repositionner dans ma carrière et dans ce que je veux en faire !

    Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je laisse pour aujourd'hui place aux articles qui suivent et qui abordent le sujet de manière plus "recherchée" et plus " analysée".

    Bonne nuit !

     


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  • Dossier trouvé sur le site "infirmiers.com"

    LE TRAVAIL DE NUIT

    SOMMES -NOUS LE MAILLON FAIBLE ?

    "La nuit, tous les chats sont gris"

     

    LE TRAVAIL DE NUIT SE CARACTERISE PAR SA SPECIFICITE :

    Nos conditions d’exercice de la profession sont à l’opposé de nos collègues travaillant le jour, et ce, pour des raisons évidentes.
    Le corps humain est programmé pour dormir la nuit et être mobile le jour.
    Cela explique que tous et toutes n’avons la capacité de supporter et tenir longtemps notre activité dans ce créneau horaire. Ce sont des évidences, mais il peut être utile de les rappeler quelquefois.
    Travailler la nuit implique quelques handicaps qu’il faut admettre et reconnaître pour mieux les intégrer dans notre vie :

    -la lumière artificielle, ou l’obscurité, pour effectuer malgré tout notre travail auprès du patient, d’autant plus lorsque celui ci se trouve dans une chambre à 2 lits. L’autre occupant n’a pas nécessairement de soin à ce moment là. Nous lui coupons son sommeil par obligation, sans le vouloir. Il faut faire en sorte que le repos de ces occupants ne soit que suspendu, mais qu’ils puissent retrouver le chemin de l’endormissement sans trop de souci.

    -le bruit : le travail est à effectuer autant que possible dans le silence, afin de permettre aux patients de dormir. Nos conversations doivent être émises à voix basse, nos chaussures légères et silencieuses, nos gestes sont réfléchis pour ne pas augmenter les décibels.Nos rangements et nos déplacements se réalisent à pas feutrés pour éviter l’écho retentissant la nuit. Le téléphone, outil de communication, ne sonne pas vraiment longtemps pour ne pas tirer du sommeil la plupart des gens endormis, sauf, lorsque n'étant que deux soignants dans l’unité, nous sommes occupés ensemble dans une chambre auprès d'un patient. Le silence nous permet de distinguer tout changement dans le registre sonore, appels, cris, plaintes, râle, chute, pas… Comment calmer un malade agité, confus dont les cris dans la nuit résonnent et ressemblent à une véritable "torture" pour les autres occupants de l’étage ? Quels mots trouver pour apaiser cette personne qui communique à sa manière ? Notre compréhension sera-t-elle suffisante pour ne pas emprunter un chemin de travers et vouloir aller au plus court : " bâillonner " les propos de cet individu ? Avons-nous appris à déchiffrer tous les registres vocaux ou comportementaux de tous les âges ? Les autres patients ne savent pas ce qui se passe dans la chambre adjacente. Cette heure nocturne est propice à toutes sortes d’idées, l’imagination n’a pas de fin. Le retour au calme laisse l’unité avec un halo de crainte, une impression d’avoir combattu toute la nuit. La fatigue est d’autant plus lourde.

    -le sommeil des uns et l’état de veille des autres : nous luttons par moment contre le sommeil qui cherche à nous gagner pour protéger la qualité de repos de nos malades. Nos sens aiguisés, en attente sont vulnérables. Il est nécessaire de bien se connaître et cerner ses limites physiques et intellectuelles. Une unité très silencieuse est signe que les patients dorment ou cela peut être aussi l’appel à aller vérifier que les malades n’ont pas besoin de notre aide, secours, écoute. Notre présence auprès des malades angoissés, anxieux, déprimés est très importante. Il faut arriver à trouver un terrain de communication qui leur permette de trouver le chemin du sommeil dans la confiance et la sérénité.

    -l’effectif très restreint pour une charge de travail très lourde : une infirmière et une aide soignante doivent prendre soin et effectuer la charge thérapeutique pour tous les malades de l’unité. Notre rôle propre ne peut trouver sa place qu'entre deux prescriptions médicales, ou être planifié suivant la manière dont nous appréhendons le service. Etre hospitalisé signifie que les soins et la maladie ne permettent pas de rester à domicile. Ces personnes gravement malades ou très seules et dépendantes ont besoin de toute notre attention, de notre savoir et de notre humanité. Cet exercice se situe entre 21heures et 7 heures. Cette plage horaire est synonyme de repos pour beaucoup de monde. Beaucoup de malades ou accompagnants pensent que notre présence la nuit est temporaire, entrecoupée de nombreux temps de détente ou de vrai sommeil. Notre professionnalisme est l’assurance pour les familles et accompagnants que le malade sera soigné correctement, ce qui leur permet de rentrer chez eux se reposer. Ils ont possibilité de téléphoner à n’importe quelle heure de la nuit pour prendre des nouvelles, et peuvent revenir dans le service sans prévenir quelque soit le moment avancé de la nuit lorsque l’état de la personne est inquiétant. Notre nombre restreint n’empêche pas notre humanité et la reconnaissance de l’Autre. Il faut pouvoir réaliser la somme de responsabilités qui nous incombe. Seules (une IDE et une aide soignante) pour 28 à 34 patients malades à des degrés différents, dont l'état n'est pas toujours stable. Nous devons prendre les mesures qui s'imposent sans excès et sans perte de temps, faire appel au médecin de garde à bon escient ou téléphoner à une collègue pour prendre son avis.

    -les repas : Notre présence dans les locaux se fait sur une durée de 10 heures. Nous prenons donc un en-cas dans l’institution. Du fait de notre effectif, ce temps frugal s’effectue dans le service avec notre collègue du moment, et non au self à rencontrer, côtoyer d’autres personnes. Et le temps peut manquer pour une pause repas tout simplement. Il ne faut pas oublier les malades hospitalisés en urgence la nuit. Ceux-ci ont séjourné plusieurs heures aux urgences avant d'être accueillis dans un lit. Il est fréquent que leur dernier repas date du matin ou du midi. Le soir, il ne reste plus rien dans le réfrigérateur de l'unité pour alimenter les nouveaux occupants. Ils doivent patienter jusqu'au lendemain matin ou midi pour combler ce manque.

    -La difficulté de connaître la démarche administrative à effectuer parfois pour résoudre certains problèmes : soucis qui peuvent être bénins mais prendre une tournure très lourde si nous ne connaissons pas la marche à suivre. Notre temps est quelque fois bien compté pour réaliser notre travail. Que faire des accompagnants en pleine nuit, n’ayant pas de ressource pour regagner leur domicile en taxi et arrivés avec les pompiers ? Dans la précipitation, cette organisation n'a pas été prévue par eux. Ce temps de négociations, de palabres est grand phagocyteur de temps. Devons-nous accepter de les héberger dans nos locaux jusqu’au lendemain, au risque de conséquences et de répétition de situation ? Devons-nous réveiller nos administrateurs alors que ces évènements se renouvellent bien souvent ? Comment informer nos responsables hiérarchiques avant la prise du service que l’unité est trop lourdement chargée en soins pour une petite équipe ? Cette réalité est évidente, comment l’objectiver, la pointer et trouver une solution pour la nuit ? Il s’agit de sécurité et de qualité pour le malade et l’institution.

    -la nécessité de se former sur notre temps de repos, par manque de personnel la nuit. Se former aux bons soins de l’hôpital signifie que ce temps d’apprentissage est pris sur notre temps de travail. Il faut donc trouver des soignants pour effectuer notre tâche auprès des patients pendant notre absence professionnelle. L’effectif à flux tendu dès le départ empêche parfois que nous puissions progresser dans notre profession. Nous sentons malgré tout que la profession évolue rapidement. Notre service est enfermé dans un silence complet : ni mise à niveau, ni liaison avec le monde diurne, sauf volonté ferme et individuelle de la part de certains passionnés. C’est à nous de faire l’effort pour créer des liens, de nous renseigner.

    L’arrivée des 35 heures est à l’origine d’une déstabilisation complète. Qui sera assez fou pour user sa santé, sa vie de famille pour avoir encore moins d’avantages que nos collègues effectuant leur travail la journée ? La pénibilité du travail de nuit est abolie, occultée, puisque nous effectuons strictement le même temps de travail, de jour comme de nuit.

    Ce choix de nuit pour certaines était l’assurance d’avoir quelques privilèges financiers bien mérités. Ceci a été complètement annihilé avec notre nouveau comptage horaire. Cet ensemble de faits nous fait passer pour une population à part, mais personne ne se penche vraiment et profondément sur les problèmes que cela entraîne. D’où, à la longue, une fatigue et un manque d’énergie des soignants de nuit. A qui en vouloir vraiment ?

    NUIT :

    La nuit a-t-elle une âme ?
    Comment nous comportons-nous lorsque nous apprenons une mauvaise nouvelle ?
    Sommes-nous enclin à passer une bonne nuit ? Le stade d’endormissement se fera-t-il dans le calme et la sérénité ? Nos hôtes ont-ils tous les atouts en main pour " aller chercher demain " ? (Expression entendue à la campagne) Lorsque la nuit tombe, l'activité du service de la journée s'accélère pour terminer le travail à temps. Cela devient de plus en plus difficile du fait de la réduction du temps de travail et du manque de personnel. Un peu comme des lumières qui s'éteignent les unes après les autres, le personnel du soir quitte la blouse blanche qui a côtoyé tant de misère et de souffrance pour céder sa place à l'équipe de nuit. La course de relais continue sempiternellement. Nous transmettons avec détails les nouveautés du jour, pour chacun des occupants des lits. Non par esprit de curiosité, mais parce que tout événement peut être important pour une meilleure prise en charge du malade, pour sa connaissance holistique. Cela facilite grandement la communication et la continuité de nos soins. Tous les problèmes du jour ne seront pas résolus, le travail ne sera pas toujours achevé, faute de temps, de ce sacré chrono qui continue sa course quoi qu'il arrive et qui fait fi de tout événement heureux ou malheureux durant ce marathon. Cet arriéré est transmis à la "nuit" qui fera ce qui sera en son pouvoir pour le résoudre, en sachant que l'effectif sera des plus restreints. Nous aurons 10 heures pour épurer le retard et y insérer notre travail planifié. Combien d'histoire de vie (ou de mort) est racontée rapidement, de vécu, de souffrance restant dans l'unité? Toutes ces personnes, hôtes de notre établissement, ne sont pas que le diagnostic posé. Elles sont des humains en recherche d'autonomie et de retour à la vie normale (au mieux). Et non un numéro de chambre, dans une unité avec le matricule "X". Presque la prison! Les malades doivent quitter leurs vêtements, leurs habitudes, leur liberté, leur identité pour se couler dans le moule hospitalier et se laisser guider dans l'inconnu par nos manières de travailler, par notre planning.

    Arrivons-nous encore à réaliser que le malade est le sujet de nos soins ?

    Leur offrons-nous un plan de route, un mode d'emploi pour vivre ensemble en bonne intelligence?
    Savons-nous la direction que nous visons pour chacun d’eux ?
    Sommes-nous capables de discerner les différents objectifs de chaque personne, ou de les transmettre afin qu’ils soient atteints à plus ou moins long terme ?
    Sommes-nous capables de travailler en concertation pluridisciplinaire et interdisciplinaire ?
    Où est la prise en charge holistique dans tout cela?
    Quels moyens mettons-nous à leur disposition pour réaliser leurs projets?
    Nous imaginons-nous à la place de ces personnes, subissant le même rythme de vie, d'examens, de relation sans réagir et leur laisser le gouvernail de notre vie?
    L’aventure commence pour eux, mais ont-ils vraiment envie de la vivre de cette façon ?
    Cette tranche de vie inconnue ont-ils choisi de la croquer à leur manière ou à la nôtre ?
    Est-ce vraiment un choix ?
    Sur quel plan basons-nous la confiance?
    Deviennent-ils complètement dépendants parce que malades? Que faisons-nous de leur autonomie, de leur liberté?
    Sont-ils anonymes?

    Parler de l'accueil, l'arrivée dans l'unité le soir ou la nuit. Venir chez nous n'est pas une sinécure, mais mettons-nous tout notre savoir-faire pour les accueillir chaleureusement? La chaleur humaine ne doit-elle pas être une de nos caractéristiques? Comment accueillir le mieux possible à 2 heures du matin, lorsque la nuit est si profonde, l'équipe au milieu de son temps de travail et en pleine action ? Bien sûr tout n'est pas urgent, mais qui doit gérer l'organisation et la gestion du travail pour être le plus efficient possible, pour rester dans la qualité et la gestion des risques ? Il faut laisser au nouvel arrivé l'impression qu'il est attendu, que tout est organisé au mieux pour son confort et son installation. Tout cela sans pour autant léser les occupants des autres lits en attente eux aussi d'un soin, d'une présence, d'une venue discrète et feutrée. Ceci peut faire partie d'une gageure. Nous n'y arrivons pas si mal que cela. Le personnel de "jour" réalise-t-il la quantité d'éléments qu'il faut mettre en place pour y parvenir sans déranger le reste de l'unité endormie? Tout doit se passer à pas discrets, rapides et efficaces. Notre spécificité professionnelle nocturne est complètement ignorée, englobée dans la routine. N'avons-nous pas l'habitude du travail de nuit? Cela retire tout effort que nous faisons pour allier savoir, professionnalisme, compétence et particularités.

    QUI EST RESPONSABLE ?

    . Nous sommes une population à part, pas "normale" de vivre à contresens des autres et d’y trouver du plaisir. Pourtant, nous sommes là pour assurer une grande partie de la journée d'hôpital. (40%) S'agit-t-il de confiance ou de manque de savoir quand on nous abandonne le bâtiment, fatigué par la dure journée de labeur?
    Le relais se passe toujours quelques soient les circonstances.
    La nuit fait suite, continuité au jour. Les principes de prise en charge, de soins mis en place la nuit seront quelquefois rediscutés dans la journée, leur programmation, leur bien fondé. Ce qui est normal, pour ne pas sombrer dans la routine. De nuit, nous avons également cet esprit critique pour ne pas nuire à la santé du malade. Il faut avouer, à notre corps défendant, que le personnel soignant de garde la nuit ne soit plus souvent référent du service. Le personnel infirmier de nuit est fréquemment polyvalent pour combler les manques, satisfaire les nécessités de présence dans les services. Médicaux et soignants font tous de leurs mieux pour le bien être du malade, mais quelques fois avec des connaissances très minces et ne connaissant pas toujours tous les mystères du dossier. Avons-nous les moyens d'acquérir une connaissance holistique de chaque personne? Le principe étant ce qu’il est, peut-on vraiment en vouloir au personnel de nuit ? Ne font-ils pas au mieux ? Les soignants (jour et nuit) ont en charge de plus en plus de pathologies complexes, de personnes malades et doivent maîtriser toutes les techniques et le nouveau matériel en fonction sur l’établissement. La rareté des lits hospitaliers fait qu’il devient de plus en plus difficile de se faire soigner. Nous recevons des personnes atteintes de pathologies très lourdes ne pouvant plus être traitées à domicile, ce qui augmente considérablement la charge de travail du personnel, tant de jour que de nuit. Nous gardons une impression de poids, de lourdeur réelle qui ralentit notre désir de résister à tout. Nos unités d’hospitalisation désertées par le personnel soignant ne peuvent plus offrir une qualité de soin nécessaire et suffisante à chaque individu malade et plus ou moins dépendant. Le décès d’un patient la nuit, entre autre, peut nous pousser à avoir des attitudes pas très honorables. Cette personne décédée occupe un lit très convoité pour accueillir un autre malade, en attente aux urgences. Il nous faut évoquer la famille éplorée, la veille du corps pour attendrir le médecin urgentiste, lui-même pris entre deux alternatives. Les deux raisonnements se comprennent, mais comment rester éthique et humain, tout en faisant notre travail ? Ne pouvons-nous pas réserver une pièce dans chaque service pour permettre aux familles d’accompagner leur proche jusqu’au bout quelque soit l'heure? Notre responsabilité est engagée jusqu'au départ du patient, qu'il soit vivant ou mort. La chambre mortuaire n’est pas ouverte en permanence et ne peut recevoir les familles entre 17h et 9h, car il faut des personnes référentes et présentes durant l'exposition du corps. Le service de nuit est trop "pauvre" pour offrir une telle permanence.

    REUNIONS DIVERSES

    Le personnel soignant de nuit est d’abord prêt à s’investir dans la recherche et commence à participer aux réunions programmées dans la journée. Il faut savoir que ces réunions sont décidées pour permettre à un maximum de soignants de jour à être présent. Cette décision n’est jamais prise à l’encontre de la nuit, mais cette équipe est très souvent oubliée dans le contingent parce qu’absente pour se faire rappeler aux bons souvenirs des agendas.

    Le fonctionnement institutionnel est tellement évident pour les personnes travaillant le jour, que la nuit " sait " par osmose, sans se poser de question, sans être informée… L'équipe de nuit n’étant pas toujours là au moment du choix, les tranches horaires sont prises arbitrairement et surtout sans vœu de nuire ou d’exclure qui que ce soit. La preuve en est que lorsqu’une personne travaillant la nuit est présente à la rencontre programmée, les réactions des collègues de jour sont toujours admiratives et très positives devant ce surplus de travail, ce déplacement durant les heures de repos, quelque soit la distance parcourue et le temps pris sur les heures personnelles. Au bout de quelques regroupements de travail ainsi organisés, parfois à des heures matinales, le personnel de nuit s’essouffle, s’épuise et ne peut concilier le travail de nuit et la connaissance le jour. Devons-nous encore venir entre 2 nuits, à 9 heures, car c’est à ce moment que l’équipe journalière est nombreuse ? Devant ce surcroît de fatigue, nous y renonçons.

    Que dire des oubliées ?
    Les réunions programmées sans convier les intéressées ? Le personnel de nuit est-il si transparent que l'on ne songe à le convier?
    Le fait de ne pas être présent à quelques réunions nous amène à décrocher du fil conducteur.
    Sommes-nous informés du contenu des réunions passées sans nous?
    Un compte rendu est-il établi pour suivre la progression du travail en cours?
    Nos collègues, en oubliant de nous contacter pour nous faire réintégrer les groupes, finissent par penser que la nuit ne veut pas s’investir; ce qui heureusement est totalement faux, mais elle est juste fatiguée d’être oubliée. Comment pouvoir effectuer 10 heures de travail effectif de 21h à 7h, et attendre encore 2 heures de plus pour intégrer une formation technique compliquée ?
    Existe-t-il beaucoup de soignants capables de revenir sur leur repos, arrêter leur vie extérieure, familiale ou de loisirs pour revenir à une réunion programmée en pleine journée ? Cela peut être de très loin (certaines habitent à plus de 100km), de temps à autre attendre de longs moments pour parfois 30 minutes de rencontre, quelque fois s'entendre dire que cela est annulé?
    Serait-il incongru de programmer une réunion à 2 heures du matin?
    Peut être que oui, mais pourquoi?
    Sommes-nous donc des super soignants la nuit pour avoir de telles capacités ?
    Nos équipes sont souvent baignées dans la solitude, attendant une reconnaissance d’existence, de savoir, de gratitude.

    Bien que motivée et en recherche de savoir, la nuit se retire peu à peu avec beaucoup d’amertume. Chacun restant sur ses positions, par manque de communication, par absence de discussion, on rejoint le stéréotype jour- nuit, avec la suprématie du jour qui "sait" et de la nuit reléguée à la "veille". La réalité est malheureusement loin de cela, mais c'est aussi cela, pour une partie de notre travail, de manière professionnelle. Quel honneur nous avons de veiller au sommeil de nos patients ! Ce n'est pas un exercice si facile que cela: ne pas faire de bruit, ne pas allumer trop de lumières au risque de réveiller toute l'unité (qui aurait beaucoup de mal à retrouver son sommeil), résoudre les problèmes sans provoquer d'effervescence, continuer à vivre nous même sans nous éteindre nous aussi. Rester vaillantes, prêtes au questionnement éthique, médical, légal à la remise en question de nos actes et prescriptions. Tout cela demande un esprit en état de "sur-veille" pour vérifier et assurer le suivi, la continuité des soins. Alors, oui, nous sommes là des veilleuses au sens le plus noble. Tout le monde diurne quitte l’hôpital vers 21h 30. Les soignants de jour peuvent être au courant de problèmes qui pourraient être à l’origine d’insomnies, mais les soucis sont transmis à la nuit qui résoudra… Le temps n’est pas élastique. La charge de travail étant de plus en plus lourde, il est essentiel d’équilibrer équitablement les soins aux malades. Tout cela pour une meilleure répartition et une efficience en soin sur le nycthémère. Mais comment faire comprendre que l'infirmière de nuit est bien souvent seule pour 34 patients, alors que nos collègues du soir sont deux, sectorisées pour la même unité. Cela sous-entend que fréquemment, le personnel de nuit se trouve dans l’obligation de pratiquer des actes, novateurs quelques fois dans l’établissement, mais n’a jamais été informé ou formé à prodiguer ce genre de traitement. La transmission du soir peut être l’occasion de partager le savoir, la marche à suivre, mais non pas par quelqu’un de pressé de partir et ne révélant pas toute la manière de faire. Cela encore sans but de nuire, mais la "chaîne" des soins est fatiguée d’un tel rythme. Ce temps de transmission se rétrécit comme peau de chagrin avec l’arrivée des 35 heures. L’institution ne pouvant embaucher plus de personnel, il faut trouver une solution financière qui va à l’encontre de toute éthique médicale. Ce temps est donc de plus en plus supprimé pour faire place aux transmissions ciblées écrites. Savoir en écrire de moins en moins et cibler de plus en plus au niveau pathologie. Cela veut dire encore une fois que le malade en tant que personne disparaît sous sa pathologie avec prise en charge administrative et mise en croix sur le papier. L'écriture pourra-t-elle remplacer la communication orale de manière complète?
    Comment transmettre la vie journalière de 34 patients en 15mn au mieux ?

    Le soignant de nuit sait, le soignant de nuit sait tout ! Comment sait-il ?
    Quels sont les moyens donnés par l’institution pour partager ce savoir ?
    La nuit a la science infuse, mais bien confuse et les personnes présentes sont " sensées " tout connaître.
    Les textes de lois seront là pour nous rafraîchir la mémoire si, par hasard ou fatigue nous étions atteint d'une absence. Nul n'est sensé ignorer la loi dit-on mais comment être soignant et légiste ?
    Quelque soit la manière d'œuvrer, nous sommes toujours responsables, à partir du moment où nous prenons en charge le service, le soin. Nous en sommes très conscients et assumons cette part avec beaucoup de rigueur. N'avons-nous pas un petit frisson lorsqu'il s'agit de transfuser des patients en pleine nuit, sans un médecin présent et quelque fois si difficilement joignable? D'être dans un service hospitalier ne retire pas la gravité de l'acte.
    Qui est garant de la bonne marche à suivre, de la sécurité du patient?
    Quels sont les moyens mis en œuvre par l'institution pour garantir la sécurité aux patients et aux soignants?
    Les conditions de travail peuvent être catastrophiques dès notre arrivée à 21heures par manque crucial de personnel soignant malade ou ayant un de ses enfants malade, celui là étant prévu dans l'effectif du soir.
    Sommes-nous infaillibles, le ressort remonté pour effectuer notre planning programmé? Comment permettre à nos collègues d'assumer leurs charges familiales sans passer pour des "lâcheuses" sans remords ?

    ADMINISTRATION

    L'administrateur de garde est systématiquement prévenu de ces manques, de ces absences de personnel, mais ne peut rien faire sur le moment.
    Que faire entre 20h 30et 21h 30 ?
    Plus tard, il est incorrect de téléphoner chez les soignants qui se reposent enfin. Reste à piocher, dédoubler les personnes présentes dans les services de soins afin de rester dans la légalité sur le papier. La fatigue de ceux qui reviennent sur leur repos, qui embrayent une nuit après leur dure journée de travail (pour raison institutionnelle) est-ce vraiment légale et raisonnable ?
    Car à force de téléphoner à 20h 45 à tout le répertoire du personnel de nuit n'étant pas présent ce soir là, ou aux personnes susceptibles de faire des heures supplémentaires, nos cadres finissent par angoisser à l'idée d'entendre des refus bien compréhensibles à des heures si tardives et arrêtent leur chasse au " trésor ". Quelle marge de manœuvre ont-elles? Aucune, puisqu’elles ne peuvent, elles-mêmes, effectuer leur travail. Comment être garant de situations aussi précaires, sans solutions convenables?
    Comment mener à bien une telle nuit, avec tant d'incertitudes au départ?
    La nuit commence déjà avec des tensions nerveuses bien évidentes.
    La double charge incombant au personnel restant et faisant tout en son pouvoir pour boucler le planning en soin est-il reconnu, apprécié et remercié à sa juste valeur ? Cette volonté de tenir s’étiole, se consume au jour le jour pour ne laisser que des cendres.

    LIENS

    Ce rôle propre que nous revendiquons de jour comme de nuit est peut être notre point commun avec nos collègues de jour. La nuit a beaucoup de chance d’avoir ce champ à offrir au malade. Nous ne sommes pas prêt à abandonner ce lien relationnel. Cela ne pourrait-il pas être une base solide et commune pour arriver à un consensus de soin ?
    Nous devons avoir une vision holistique de la personne malade.
    Avons-nous une même connaissance de l'institution?
    -ses besoins?
    -ses demandes?
    -celles du personnel?
    -les réponses apportées?
    -les réponses à rechercher, à adapter?
    -les résultats: contentement des patients, des soignants?
    -bilan général.
    Où placer le malade dans ce désert ?
    Il se trouve écartelé entre les SSIPS, les dossiers de soins, les PSG et ses besoins propres et bien réels. Peu de personnes réalisent la dureté du travail de nuit. Plus, peut être, celles qui ont " goûté " plus ou moins longtemps à cette plage horaire dans le nycthémère. Mais elles ne font pas légion. 

    LUMIERE,  PETIT DETAIL MATERIALISTE :

    Notre travail de nuit pose peu de problème de continuité aux personnes chargées de l'entretienNous travaillons la nuit tombée, éclairés à minima avec l'aide d'une lampe de poche pour gêner le moins possible le sommeil du malade.

    Les malades disent être rassurés le matin, lorsqu'ils ont aperçu nos petites lampes de poches. Ils réalisent que nous passerons, mais en gardien du sommeil. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour ne pas les réveiller et ainsi leur permettre de recharger eux mêmes leurs batteries.
    Que le malade peut s'énerver lorsqu'il ne peut plus disposer de son autonomie, et devoir se passer de lumière au-dessus de son chevet, soit que le néon soit hors d'usage ou par manque de "ficelle" permettant de gérer son éclairage ! Il peut arriver que la "roue de secours", c'est à dire la lumière de la salle de bain ne soit pas elle aussi en état de marche. On peut imaginer l'agacement de cette personne !

    ENTRAIDE

    Le service de nuit, quel que soit l’endroit en France, se caractérise par une grande solidarité transversale et une entraide, généralement. C’est ce qui lui permet de tenir sur la longévité. Nous pouvons également nous appuyer sur une pyramide des âges. Les anciennes diplômées peuvent s’informer de certaines nouvelles méthodes ou techniques auprès des jeunes travaillant depuis peu, et inversement, nous pratiquons le compagnonnage vers nos jeunes recrues pour partager nos savoirs. Si depuis un certain temps, une personne n’a pu participer à un renouvellement des connaissances, ne doit-elle pas obligatoirement partir en apprentissage ?
    Il s’agit de la bonne marche de l’institution. Nos aides soignants, en poste depuis plus longtemps que nous, savent nous guider dans les habitudes du service, les rangements, le savoir-faire. Nous ne les remercions jamais assez de nous aider d'être là tout simplement pour le malade et "l'équipe". Ils sont les "pro" du prendre soin des patients et des soignants. Ces personnes d'une grande richesse de cœur, ont besoin comme tout un chacun de se sentir existées et reconnues à leur juste valeur, d'autant que la partie de leur travail touche l'être humain dans sa partie la plus délicate, la plus intime. Conserver l'hygiène et la propreté d'une personne n'est pas une œuvre si facile que cela.


    un poste d’infirmière de renfort.

    Cette IDE, itinérante dans l’institution, doit être capable de prendre en charge un soin technique ou relationnel quelque soit le lieu. Reliée par un bip, sa nuit peut être occupée par diverses actions autant médicales qu’administratives, de soins, d’écoute, de soutien des malades ou des équipes en souffrance, d’information, de transmission et de discrétion. La création de cette fonction a été réalisée à partir d’un besoin criant en personnel de nuit. Connaissances, compétences, créativité, responsabilité, dynamisme, discrétion, écoute, transmissions, polyvalence sont des qualificatifs qui peuvent adhérer à ce travail.
    En pleine création, la mobilité donne la possibilité de continuer à travailler auprès du malade et d’essayer d’améliorer aussi bien la prise en charge du patient que le travail des soignants. C’était sans compter sur les habitudes solitaires et autonomes des collègues. Nombreuses ont mis beaucoup de temps à appeler à l’aide pour diverses raisons :
    -peur d’être jugé « incapable »,
    -peur du regard extérieur,
    -peur de passer pour une fainéante, une mal organisée,
    -peur que le malade préfère un autre soignant…
    Ce poste transversal, " hors norme " dans l’institution était parfaitement défini sur le papier avec un profil et des compétences à avoir ou à acquérir. Mais aux yeux des collègues, cette IDE semblait sortir du lot et du fait de leur bureau commun avec les cadres de nuit, elle paraissait assimilée à une surveillante et non à une infirmière. Beaucoup de crainte au début laissait les soignants de nuit dans leur solitude. Certaines énonçaient leur peur de nous déranger et donc n’appelaient pas malgré le travail de "titan " dans l’unité. Cela commence à disparaître peu à peu. Cette activité ponctuelle est une vraie source de réflexion, une recherche constante de sécurité, de qualité. L’infirmière de renfort est une roue de secours en cas de "crevaison" aussi bien pour le patient, sa famille, les collègues et l’institution. La transversalité permet de transmettre toutes les nouveautés et informations, afin que le personnel de nuit puisse évoluer au même titre que nos collègues travaillant le jour. Ce savoir est une richesse accumulée au fil des ans. Chaque service a ses habitudes, ses rangements, ses protocoles. Pas d’uniformisation malgré le fait que nous soyons dans la même entreprise. Cette difficulté s’abolit avec le temps pour les personnes curieuses et volontaires. Pour une meilleure gestion du stress, il faut apprivoiser les lieux, partir à leur découverte, essayer de mémoriser chaque placard et son contenu. Cette gymnastique cérébrale est essentielle à notre survie dans le groupe. Il s’agit d’acquérir rapidité et efficacité dans tous les services. L’infirmière de renfort est confrontée à ce "sport" plusieurs fois dans sa nuit. Chaque intervention dans les étages est différente ; cela demande de s’adapter à chacun des appels et de se prendre soi-même en charge pour ne pas être un frein pour la collègue qui a appelé au secours. Si cette dernière doit nous sortir le matériel, nous aider à accomplir le soin, quelle serait notre utilité et son gain ? Nous ne connaissons pas tout et ne sommes pas toujours informés des changements de rangement, mais devons toujours faire en sorte de les découvrir. Les moments de "creux " dans la nuit sont favorables à cette découverte. Certaines ont encore des difficultés à faire appel à notre service. Cela nous laisse quelques fois des heures " d’inactivité " dans l’institution. Pour utiliser au mieux la transversalité, ce temps disponible est utilisé non pour le malade directement, mais pour l’établissement en contrôlant les pharmacies, leurs péremptions, le matériel. Ce travail de fourmi n’est pas toujours effectué car il demande de pouvoir s’arrêter quelques instants, et souvent. Notre tâche terminée dans un service est recommencée dans un autre. Nous avons ainsi vérifié toutes les pharmacies des services hormis les unités autonomes : urgences, réanimation, psychiatrie. La matériovigilance fait partie des obligations de l’IDE. Pour rester un renfort pour tous, ce travail se fait peu à peu dans toutes les unités, au fur et à mesure de nos pérégrinations. Le regard des collègues est parfois amusant. Souvent, certaines ont une fâcheuse tendance à oublier cette tâche un peu rébarbative, pas très gratifiante, mais essentielle pour la sécurité du patient et émettent leur étonnement à nous voir effectuer ce travail.

    Ce poste est aussi très utile pour la prise en charge des personnes en fin de vie. En lien étroit avec l’Emasp, cette continuité des soins est un gage de qualité et de sécurité pour le patient. Nous travaillons ensemble (renfort et équipe de nuit en place) et accompagnons la personne et sa famille quand elle est présente. Ce travail à plusieurs allège un peu la souffrance du soignant de nuit qui apporte toute sa compétence durant ces moments difficiles. La transversalité permet également de découvrir les nouveaux protocoles, matériels, les changements dans les méthodes de travail. Ce passage au travers de l’institution permet d’observer, d’entendre et d’objectiver des manques, des souffrances et de pouvoir les transmettre le lendemain au cadre référent de mon poste. Il permet d’accueillir et de recueillir les informations d’un nouvel arrivé la nuit. Ce semblant de liberté oblige à des résultats, à ne pas s’endormir et toujours donner le meilleur de soi-même à chaque personne rencontrée la nuit, que ce soit un malade, un soignant, une famille. L’éventail des activités est si vaste, qu’il est impossible de vivre sur ses acquis. Les recherches, formations en tout genre sont la préoccupation de cet agent. Le questionnement fait partie intégrante de sa fonction.

    NOUVEAU MATERIEL

    L’institution se dote de matériel de plus en plus sophistiqué et performant. Ce matériel devrait effectivement apporter qualité et sécurité dans les soins et le travail. Des maintenances sont-elles prévues pour chaque équipe pour diffuser la pratique complète de ces nouveaux outils ?
    Pour exemple fréquent dans ces cas de démonstration, un malade sonne pour un soin urgent ou une famille angoissée de quitter son proche pour la nuit veut nous laisser les dernières consignes. Malades et familles sont nos interlocuteurs privilégiés. Nous sommes présents pour eux et avec eux quelque soient les rendez-vous pris avec les représentants. Qui peut nous garantir la nuit que nous effectuons un travail correctement si nous ne connaissons pas la bonne marche d'un appareil sophistiqué, mis à part notre propre regard ?
    S’il arrive un incident à 2 heures du matin par exemple avec la programmation d’une machine, aurons-nous un technicien prêt à nous dépanner afin que le malade reçoive son soin quelque soit l’heure ?
    Est-ce une garantie que nous pouvons sincèrement donner à la personne hospitalisée ?

    LES MALADES ET LES SOINS PALLIATIFS :

    Les malades entament leur " voyage au bout de la nuit ", avec embarquement immédiat. Ils prennent tous un billet aller-retour. Ont-ils droit à la 1 ère ou 2 ème classe ? Normalement, chez la plupart des personnes, la nuit permet de se détendre, de recharger ses batteries pour le lendemain. Etre en mesure d’assumer un nouveau jour à venir. Nous attendons ce moment avec plaisir et impatience pour nous retrouver avec nous même. La nuit nous permet de nous évader dans le monde onirique ou de revivre en sens inverse notre journée, riche en évènements, échanges, rencontres. Cette nuit si ressourçante pour nous, peut devenir un vrai cauchemar pour le malade. Le silence, la solitude sources de visions angoissantes le forcent à se remémorer des instants difficiles. Il ne s’agit plus d’une aventure mais d’un retour sur soi-même. Pour nous, dit en bonne santé, notre lit, lieu de repos est frais. Nous avons plaisir à nous enfoncer dans des draps bien tirés. Qu’en est-il du malade ?
    Son horizon reste son lit réchauffé par son corps de plus en plus fatigué, moite. Le matelas n’offre plus l’élasticité, le rebond si agréable. Le malade a le temps de faire connaissance avec chaque ressort. Les plis accumulés au cours de la journée ne feraient pas le bonheur d’une repasseuse. Chacun d’eux aura laissé son empreinte sur le corps endolori du patient. Ces fronces peuvent être à l’origine de blessures, d’usure de la peau. Bien que le climat soit varié et changeant à l’extérieur, le temps suspend son air à l’hôpital. Tout reste identique, de jour comme de nuit. Notre travail, comme professionnels du soin, sera d’installer le plus confortablement le malade. Cela peut prendre du temps pour trouver la meilleure position, celle qui lui permettra de trouver un peu de bien être. Il s’agit d’un soin du corps pour le mettre dans la meilleure condition possible pour accueillir le sommeil. Comment réagissons-nous lorsque nous passons une nuit blanche?
    Malgré notre "bonne santé" nous ne sommes pas "frais et dispos" le matin. Nous traînons un manque d'énergie, une lassitude toute la journée. Ce désir de passer une nuit reposante et ressourçante est également celui des patients hospitalisés et les personnes en fin de vie l’espèrent au plus profond d’eux-mêmes. Leurs journées s’étirent en longueur, interminables parfois. Elles sont parsemées d’émotion, de choc, de fatigue, d’espoir pour les jours à venir, de douleur, de passages divers. Ces patients peuvent perdre patience si le sommeil ne les cueille pas à la tombée de la nuit. Ce monde du silence qui n’en est pas un, est peuplé de bruits plus ou moins assourdis, de paroles, de rires, de larmes, de vie. La lumière se fait tamisée, artificielle. Que leur reste t il pour recharger eux aussi leurs batteries déjà bien faibles ?
    Ils retournent leurs pensées. Leurs angoisses vont crescendo. Le futur se fait incertain, source de peur, d’anxiété. Cette nuit sera l’inauguration d’une longue série de cogitations sans fin. Où trouver des tisanes et autres produits naturels qui peuvent être générateurs de sommeil ? Il y a quelques 20 ans, les malades pouvaient avoir une boisson chaude le soir, au coucher. Les somnifères n’étaient pas à la mode à cette époque. Certains refusent les sédatifs car le compte à rebours temps étant enclenché, ils ne veulent pas que ces précieuses minutes leur soient " volées ". Le métronome égrène les secondes inlassablement. Certes, pour nous, il n’est pas dramatique de passer une nuit blanche. On se rattrapera demain, mais pour eux, cela devient une perte de force, d’énergie. Les aider, ne veut pas dire les traiter artificiellement. Ils absorbent déjà tant de traitement. Ces malades visités par l’EMASP le jour ont entamé, pour la plupart, un questionnement qui peut occuper leur solitude. La connaissance de leur existence dans nos lits, leur pathologie et leur problématique qui nous sont transmises permet d’aborder ces personnes et de les connaître un peu. Leur offrir une présence, même courte, en début de nuit est un véritable anesthésique pour quelques-uns. Ils savent que la nuit à venir ne sera pas synonyme de solitude. L’équipe en place pourra écouter la douleur existentielle de ces personnes, mais combien de temps dispose-t-elle pour parler?
    Combien de fois sommes-nous passées en début de soirée et le fait de les laisser parler, de les écouter de manière authentique, leur a permis ensuite de dormir paisiblement ? A la fin de notre entrevue, le plus gros cadeau que nous recevons, accompagné d’un regard profond, sincère et chaleureux : "merci de m’avoir écouté". Dans notre nuit froide et sombre, nous voilà réchauffée par des paroles plus que vivantes.
    Des passages successifs auprès du patient nous informe de la qualité du sommeil qui a suivi. La journée n’en sera que meilleure, si le repos a été suffisamment long et de qualité.
    Qui a songé à la chance que nous avons de recevoir tant d'héritage de vies se finissant?
    N'est ce pas un cadeau suprême pour nous qui sommes présents de pouvoir recueillir tout ce patrimoine vital qui nous nourri l'esprit et nous porte à être présent auprès d'eux ?
    Grâce à toutes ces personnes qui sont nos professeurs, nos maîtres d'éthique, de vie profonde et fragile nous avançons peu à peu sur le chemin de l'existence. Ce sentier nocturne est balisé largement par ces malades dit "en fin de vie", mais tellement lumineux, leur existence éclaire la noirceur de la nuit la plus profonde. Nous sommes héritiers de vraies richesses, du sens de notre propre vie. Ne leur devons-nous pas une reconnaissance sans limite?

    Nous ne demandons pourtant pas la lune…..


    3 commentaires
  • Voilà ce à quoi je me suis attelée ces derniers jours : je me suis enfin décidée à reprendre la lecture, et j'ai opté pour ce livre qui avait attiré mon attention lors de recherches sur internet. Je vous livre ici l'article que j'avais trouvé à ce sujet, et vous laisse juges (bonne lecture!) :


    Anne Perraut Soliveres

    Ed. Le monde/puf, collection Partage du savoir, parrainée par Edgar Morin. 294p.

    Préface d'Isabelle Stengers.

    Prix "Le Monde" de la recherche universitaire


    Fruit d'une expérience et d'un engagement personnels, mais aussi d'une réflexion et d'une enquête approfondie, ce livre se propose, à travers une démarche théorique et éthique aux accents souvent militants, de rendre la parole à celles que notre société, et pas seulement le système médical, laisse dans le silence et dans l'ombre: les infirmières de nuit.

    Quel savoir ces infirmières, confrontées quotidiennement à la souffrance, à la faiblesse et à la mort, développent-elles ? Quelle est la particularité du « monde de la nuit » qui constitue la face cachée, impensée de la médecine et au-delà même de la science dans son entier? Quelles valeurs produit-il ? La nuit est ce moment où les normes, les structures, les rites, le temps même semblent disparaître, et laisser place à la sensation que tout peut arriver: la mort qui rôde et qui ne se décide pas, ou qui se trompe parfois de malade. C'est le moment du vide, de l'aventure, de l'inattendu, mais aussi celui de la liberté et d'une plus grande disponibilité envers les patients. Pour explorer ce savoir de la nuit, et afin que s'éclaire la nuit du savoir, Anne Perraut-Soliveres, elle-même infirmière de nuit, a enquêté pendant sept ans, recueillant de très nombreux témoignages de collègues.

    Prenant appui sur une méthode particulièrement originale, qui mêle le « je » de l'auteur aux énoncés plus impersonnels de la recherche, cet ouvrage vise à redonner aux infirmières une position stratégique dont la déshumanisation croissante de l'institution hospitalière les a destituées. Il aidera les lecteurs à prendre conscience du piège qu'a tissé, avec l'assentiment d'une majorité silencieuse, un système de soins fondé uniquement sur le profit.


    Analyse par RMP

    Il est totalement illusoire d'espérer envisager la notion de qualité des soins, largement pervertie par des réformateurs technocrates, sans considérer les conditions d'exercice des infirmières (ce qui inclut la sélection et les conditions de formation), d'exiger d'elles une attention grandissante à l'autre quand elles sont elles-mêmes de moins en moins écoutées (p1). « Ni bonnes, ni nonnes» clament-elles, quand elles défilent.

    Leur assigner des « tâches ciblées » selon les besoins supposés des malades par les médecins, sous prétexte d'expliciter, de résister à la confusion du sens commun, c'est demander aux infirmières de collaborer à la construction d'une version amoindrie et aliénante de leur métier(VIII).

    La surdité du médecin à la problématique des infirmières se nourrit de sa propre amnésie d'une composante émotionnelle éradiquée à force de QCM, d'inventaires et autres DSM, où la méthode scientifique (objectivante, à variables dures) tiendrait lieu de ligne de conduite suffisante (2). Comme si faire une théorie de la pratique (à partir de la plainte) et prendre position au nom de sa pratique était de qualité inférieure et s'abandonner à une importune subjectivité personnelle (IX).

    Comme si aussi, en référence à la toute puissance médicale affichée et fantasmée, un monde aseptisé où (à condition de respecter quelques bonnes pratiques de vie) l'on pourrait vivre en « bonne santé », voire repousser indéfiniment la mort, avait plus de réalité que le monde des souffrants pénétré de « l'inscription de la maladie dans la vie de la personne » et de ses remaniements symboliques (5)

    Pour comprendre les « dysfonctionnements », il faut sortir de la logique évaluative prescriptive et morale en vigueur actuellement (3).

    L'infirmière est prise dans tout un tas de double-liens et d'attentes paradoxales. La formation recrute ses élèves sur tests psychotechniques mais les juge ensuite sur leur comportement, alimentant « cette dichotomie institutionnelle entre penser et agir qui produit immanquablement la frustration » (122). Elles doivent mettre à l'écart « l'encombrant magma d'affects qui sous-tend leurs motivations à soigner et qui, dans un monde tourné vers l'objectivation, les dévalorise» (123)…«C'est l'impensable de cette réalité qui maintient le plus sûrement les infirmières dans le déni de leurs affects, les partageant entre le dévoilement de leurs faiblesses, indésirables socialement, ou une attitude offensive que l'ensemble de l'institution concourt à disqualifier » (124).

    C'est ainsi que l'épanouissement professionnel d'une infirmière de nuit passe paradoxalement par sa capacité à surmonter sa frustration d'une reconnaissance par ses pairs et par les médecins, par l'acceptation d'une certaine impuissance (4). Il arrive, là comme ailleurs et beaucoup plus souvent qu'on ne pense, que l'efficacité vienne quand même par surcroît. Mais qu'est-ce qui est efficace ? Question qu'on pourrait poser aussi au médecin.

    RMP


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  • j'ai été très intéressée par cet article, trouvé sur le site "cadredesabte.com", aussi j'en fait profiter tout le monde.  

     

    La législation du travail de nuit

    par Chantal Rivaleau, 12 juin 2003

    Le travail de nuit, en particulier concernant les femmes, fait l’objet de textes de Loi depuis longtemps puisque dès 1892, il était interdit, sauf dérogations particulières dans les domaines de l’hygiène et de l’alimentaire. En 1979, le travail de nuit est autorisé pour les femmes occupant un poste de direction ou à caractère technique, impliquant une responsabilité. Dès 1982, la prise en compte de la pénibilité du travail de nuit se traduit par une réduction du temps de travail hebdomadaire à 35 heures. Cette mesure ne concernera le personnel hospitalier qu’à partir de 1991. Différents protocoles sont signés entre 1988 et 1991. Ils concernent les conditions de travail du personnel hospitalier. Il s’agit des protocoles "Evin" du 20 octobre 1988, "Durafour" du 09 février 1990 et enfin du protocole "Durieux" du 15 novembre 1991. Ils donnent lieu à la circulaire 91.68 du 23 décembre 1991 qui évoque les difficultés occasionnées par la charge psychique, la pénibilité de certaines situations de travail et l’isolement professionnel des équipes de nuit. Cette circulaire évoque également l’intérêt de faire évoluer les relations humaines entre les différents secteurs du milieu hospitalier. Enfin, elle dit :

    "Aucune mesure nationale ne peut résoudre la difficulté de ces situations, car elles nécessitent une participation de l’ensemble des personnels hospitaliers (administratifs, soignants, médecins) à la définition de nouveaux modes de communication et d’organisation du travail".

    Ces différents textes reconnaissent l’importance du travail de nuit et les difficultés qu’un tel rythme engendre.

    Les besoins spécifiques du patient la nuit

    Les attentes des patients vis à vis du personnel ont été étudiées dans une enquête faite entre 1988 et 1992 à l’instigation du Ministère de la Santé et de l’Action Humanitaire. Les priorités des malades vis à vis des soignants de nuit sont ainsi définies :
      la compétence
      la présence
      les relations amicales
      les relations d’aide
      la sécurité

    Ces attentes du patient existent aussi la journée mais prennent une ampleur différente la nuit. La surveillance clinique doit être accrue pour plusieurs raisons :
      la difficulté d’observer un malade dans la pénombre
      la crainte des patients de déranger le personnel pour "rien"
      la baisse de vigilance des malades du fait de leur fatigue ou tout simplement de leur endormissement.

    Une des plaintes de patients interrogés à la sortie de l’hôpital est souvent le manque de sommeil. Cela est dû à la fois aussi bien à des causes extérieures (bruit, soins...) qu’à l’état du malade lui-même : angoisse, peur, inconfort dû à la maladie et souvent douleur amplifiée la nuit ou en tout cas ressentie différemment.

    Enfin, ce sont sûrement les attentes relationnelles des malades qui sont les plus influencées par la venue de la nuit. Il est important de revenir sur les représentations et symboles véhiculés par la nuit. Dans toutes les mythologies, le soleil et le jour représentent la vie. La nuit est symbolisée par la puissance des ténèbres. C’est une forme de notre culture qui imprègne chacun d’entre nous et par conséquent qui influence consciemment ou non les patients hospitalisés. Tous les soignants sont conscients que la nuit, en particulier la fin de nuit, est un moment difficile pour les patients instables. Pour tous, l’inquiétude et l’angoisse sont présents. Ces éléments ne font que s’ajouter à l’atmosphère qui règne la nuit : silence parfois pesant mais aussi amplification de tous les bruits. Pour toutes ces raisons, les besoins psychologiques du patient sont particulièrement importants. Il a besoin d’établir des relations avec le personnel afin de parler pour évacuer l’objet de son anxiété, d’être informé et de connaître ceux qui le soignent. Connaître la personne qui va répondre à son appel et lui faire confiance diminue l’anxiété éprouvée par le patient. Parmi les patients que j’avais interrogés lors de ma préenquête, certains insistaient sur le fait qu’ils appréciaient d’avoir affaire à moins de personnes différentes. Une enquête du Ministère de 1992, concluait ainsi le chapitre étudiant les besoins exprimés par les malades la nuit : "Les attentes des personnes hospitalisées sont fortement axées sur le confort, la sécurité, la relation et la compétence du personnel, quel que soit le type de service ou d’établissement... Les malades manifestent le désir de lutter contre l’ennui, le droit d’obtenir des informations claires et rapides, de participer en tant qu’individu responsable à sa propre prise en charge. La manifestation de ces besoins n’est-elle pas révélatrice de l’anxiété des malades pendant la nuit ? ils ont besoin d’être écoutés, d’être informés, de ne pas être seuls" [1]

    En conclusion, il est donc important que la nuit, le personnel soignant soit à l’écoute du patient et réponde autant que possible à ses attentes de quelque nature qu’elles soient. En effet, la crainte, l’angoisse persistent tout au long de l’hospitalisation quand vient la nuit. Les soignants peuvent apporter une réponse relationnelle mais ce n’est pas la seule. Il est important pour le patient d’avoir une information identique de la part des personnels de jour comme de nuit. La confiance inspirée par les soignants, l’écoute, l’attitude les rapports qui se nouent sont essentiels. Il ne faut pas pour autant oublier qu’un malade sera moins sujet à l’angoisse s’il se sent en sécurité. Celle-ci doit être ressentie par le patient dans tous les domaines. La confiance doit être effective dans les relations mais aussi dans la qualité des soins effectués.

    Les spécificités du travail de nuit pour le personnel soignant

    Le travail de nuit a de nombreuses répercussions sur la santé des travailleurs. Celles-ci ont été étudiées par les médecins du travail et en particulier, le Docteur Estryn Brehar, médecin du travail de l’Assistance Publique. Elle rend compte de ses études dans l’un de ses livres "Stress et souffrance des soignants". Les aspects psychiques ou affectifs du travail sont prépondérants dans toutes les professions. Mais les métiers en relation avec le public ou plus encore en relation avec la maladie grave et la mort sont soumis à des interpellations fortes sur le sens de leur activité. La manière dont l’organisation des prestations hospitalières rend possible ou non, pour chaque soignant, des marges de manœuvre, est déterminante en matière de plaisir ou de souffrance dans le travail. Ces marges de manœuvre concernent notamment la possibilité de réaliser un réel travail d’équipe et des soins de qualité personnalisés. Les mécanismes de défense permettent souvent aux salariés de conserver leur comportement et attitude habituels malgré leurs difficultés. De façon parfois masquée, l’évolution de cet état peut aggraver à son tour des situations et donner lieu à des oublis voire à des erreurs dommageables. L’approche clinique dans la psychopathologie du travail étudie les situations génératrices de souffrance et de plaisir dans le travail. Si pour privilégier le relationnel, un soignant retardait un traitement médical ou ne réalisait pas un soin d’hygiène, il serait en faute. Mais s’il termine sa journée sans avoir jouer son rôle propre d’écoute et d’accompagnement, il est aussi en faute. L’analyse de présentation des informations peut aider à comprendre la fréquence des incertitudes concernant leur perception ou leur signification. Les horaires, la durée et la répartition du travail sont importants. Le rôle de la dette de sommeil sur les troubles du caractère et le risque dépressif gagne à être compris aussi bien par ceux qui peuvent en souffrir que par ceux qui les côtoient. En comprenant les effets du manque de sommeil, bien des jugements hâtifs souvent dévalorisants sur la compétence d’une infirmière de nuit ou sur son caractère difficile pourraient être évités. La souffrance psychique causée par le travail ne conduit pas inéluctablement à l’apparition d’une pathologie de type psychiatrique. Si l’équilibre est sauvé, c’est parfois au prix d’une lutte qui exige parfois le renoncement à un véritable projet de vie et à l’essentiel du désir et de la joie de vivre. Libouban en 1985 a déduit de son étude que 2 manifestations comportementales acquièrent valeur de stratégie défensive : la formation d’une équipe solidaire - la solidarité fonctionne alors comme système de défense -, et l’absence d’absentéisme, tenir à tout prix constitue une priorité. [2] Kasl en 1973 pense qu’un bas niveau de satisfaction professionnelle est lié à la non-participation à la prise de décision, à l’impossibilité de donner un avis retour -feed back- aux superviseurs et au manque de reconnaissance des bonnes performances. Les facteurs qui génèrent classiquement la satisfaction des employés sont la clarté sur les rôles, la communication et le feed back, la possibilité de participer à la prise de décision et les possibilités d’innovation. Lors d’une étude, un quart des infirmières (26%) pensent que leur connaissance du malade n’est jamais prise en compte lors des prises de décision. Cette fréquence est largement plus élevée chez les infirmiers de nuit.

    1- La motivation

    Elles sont variables en fonction du profil de chaque soignant et les motivations du choix de travailler de nuit au départ diffèrent des motivations pour rester. Les arguments avancés le plus souvent sont :
      des obligations familiales pour les motivations de départ
      une ambiance de travail plus conviviale, plus solidaire du fait du moins grand nombre de soignants présents la nuit
      une plus grande autonomie dans l’organisation du travail en dehors des soins relevant d’une prescription médicale et d’une planification répartie sur la journée
      une responsabilité plus importante quant aux décisions concernant un patient du fait de l’accessibilité plus difficile du médecin, du cadre et du personnel moins nombreux.
      une plus grande disponibilité pour la relation avec le patient

    2- La spécificité physique du travail de nuit

    La connaissance des effets sur la santé, la vigilance et les troubles du caractère dus au travail de nuit et de la "dette" de sommeil est indispensable aussi bien pour ceux qui vivent cette situation que pour leurs collègues des autres équipes. Cette connaissance permet à un soignant de nuit d’éviter de se dévaloriser quand il se trouve confronté, en raison des horaires notamment, à ce qu’il considère comme un manque de dynamisme. Une telle information permet aux collègues des autres horaires d’éviter des critiques hâtives. Elle les incite à organiser la transmission des informations et les rangements de manière à ne pas pénaliser leurs collègues de nuit. La réponse aux angoisses des patients, la nuit, nécessite des soignants qui s’en occupent, de rencontrer l’encadrement et les médecins régulièrement sans amputer leur repos.

      Le sommeil :

    C’est l’un des problèmes majeurs des équipes de nuit. En effet, le travail nocturne s’oppose au rythme biologique circadien. Les effets de ce décalage sont divers suivant les individus : difficultés d’endormissement, insomnies, réveils précoces... Il a été calculé que les travailleurs de nuit ont une dette de sommeil d’environ deux heures par rapport à leurs collègues de jour. Cela a des conséquences telles que : nervosité, fatigue, troubles de l’humeur, problèmes de vigilance, d’attention, de performance et d’adaptation à une situation nouvelle. ... De plus, ces problèmes s’aggravent avec le temps.

      Le stress :

    Il est à relier aux problèmes de sommeil et à la pénibilité du travail de nuit. Il est parfois aussi à relier à l’accroissement des responsabilités qui est pourtant cité comme une des motivations au travail de nuit. Les personnels de nuit se plaignent souvent de leur anxiété et de leur irritabilité en relation bien sûr avec le stress.

      Les effets sur la production et la sécurité :

    De manière générale, il y a dégradation des performances en particulier des temps de réaction durant le poste de nuit, spécialement entre 3h et 6h. La somnolence peut entraîner des endormissements au travail. Il s’agit de la perte de conscience au cours d’un combat pour rester éveillé. La somnolence est donc un avertissement qu’un endormissement peut suivre. Certaines catastrophes sont liées au travail de nuit : Tchernobyl à 1h35, Tree Mile Island entre 4h et 6h et l’accident de la navette Challenger dû à une erreur de jugement tôt le matin.

      Les troubles gastro-intestinaux : gastralgies, constipation ...

    Des études ont été faites concernant l’alimentation des travailleurs de nuit. Le fait de s’alimenter à un rythme inverse du rythme circadien provoque ces diverses pathologies. [3]

      Le comportement alimentaire avec modification des besoins qualitatifs et quantitatifs, troubles de l’assimilation et de la digestion.

    Une étude menée à l’Assistance Publique révèle une prise de poids d’au moins dix kilos pour 22% des femmes travaillant depuis moins de trois ans de nuit et pour 50% des femmes travaillant depuis plus de trois ans de nuit.

      Les autres pathologies

    Ce sont les risques coronariens accrus, la tendance à l’hypertension, la réduction probable du système immunitaire, les dérèglements endocriniens divers découlant directement de ceux évoqués précédemment : dette de sommeil, surpoids, stress...

    La spécificité psychologique du travail de nuit

    1- L’organisation du travail

    La nuit, le personnel travaille en binôme infirmière /aide soignant(e). Il est donc plus facile de s’organiser en fonction des priorités, les interruptions sont également moins nombreuses. Le personnel a donc la sensation d’une plus grande autonomie. L’esprit d’équipe, que ce soit pour répondre aux attentes du malade ou en cas d’urgence, est particulièrement important et cité par le personnel de nuit comme un des aspects positifs. Les aides soignants le ressentent tout particulièrement et nombreux sont ceux qui se sentent plus reconnus dans leur fonction de nuit que de jour.

    2- Les relations professionnelles

      Avec l’hôpital : Elles sont difficiles du fait des horaires (bureau du personnel, bureau de la formation continue...), mais des efforts sont faits et sont très appréciés du personnel de nuit.

      Avec le service : Les différentes réunions (réunions de service, staff, conseil de service, pots de départ...) sont le plus souvent organisés à l’heure du déjeuner ou en tout début d’après midi. Il est donc rare que le personnel de nuit puisse y assister, quand il y est invité ! Il est probable que cela renforce l’impression de ces personnels que ces réunions leur sont inaccessibles et qu’ils ne font pas partie de l’équipe. De plus, l’horaire des réunions ne tenant jamais compte de leurs impératifs, les démotive à faire des efforts pour y assister.

      Avec l’équipe médicale : Les gardes médicales, dans les services la nuit, sont confiées aux internes sous la responsabilité d’un médecin "senior", le plus souvent externe à l’établissement et se tenant aux urgences. La majorité des soignants de nuit n’ont jamais rencontré le chef de service et ses assistants.

      Avec l’encadrement : Les soignants de nuit ont le plus souvent à faire au cadre de nuit qui s’occupe de tout l’établissement. Les seuls contacts avec les cadres du service se font par l’intermédiaire du téléphone ce qui ne les satisfait guère.

    3- L’angoisse et la solitude

    Dans une enquête faite en 1998, à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, plus du tiers des soignants trouve le travail de nuit angoissant, sans rapport avec l’ancienneté. Du fait des difficultés de communication dont se plaignent les soignants de nuit, ils se trouvent souvent désarmés quant à la réponse à apporter au patient. Or, celui-ci questionne le personnel, la nuit, essentiellement par rapport à ce qui motive son angoisse personnelle, la maladie, la souffrance voire la mort. Le même problème se pose avec les familles, qui les connaissant moins, demandent à parler à des personnes qu’elles connaissent mieux. Il est également plus difficile, la nuit, d’avoir des recours face à des difficultés d’origine linguistique, culturelle ou religieuse.

    4- La dévalorisation et l’isolement [4]

    "L’infirmière de nuit a besoin de communiquer la spécificité de son vécu professionnel aux autres soignants, notamment à ceux de l’équipe de jour et à la hiérarchie. Sinon, elle risque d’éprouver un sentiment de dévalorisation et d’isolement professionnel qui, à long terme, pourrait s’avérer néfaste, tant pour le soignant que pour la personne soignée" Un manque de communication peut être à l’origine d’un sentiment de dévalorisation, de non-reconnaissance pouvant aller jusqu’à l’isolement [5] [6]

    En conclusion, le travail de nuit est un exercice particulier d’un point de vue physique et psychologique. Il est essentiel de limiter les effets de la charge physique et mentale des soignants pour leur qualité de vie au travail mais aussi et surtout pour celle des personnes soignées.

     


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